Je mentirais si je disais que je ne connais pas les cinq textes de ce livre important, ils ont fait l’objet d’éditions confidentielles rassemblées ici en un seul volume de poche. C’est un livre d’éditeur que les circonstances ont poussé à la naissance. Je le vois comme une synthèse habile de toutes les longues années d’écriture de Charles JULIET .Je lui ai remis un exemplaire de librairie hier après-midi. Surprise qu’il se mette à le dévorer des yeux et des mains comme s’il s’agissait du livre de quelqu’un d’autre. Il n’a pas pu assurer le service de presse comme le précédent ( Réédition Cézanne) et semble presque étonné que ce livre existe. Il n’en retient que la forme matérielle, « un joli petit livre » qui « bien entendu » parle de sa vie et de sa trajectoire. Le Déclic est le titre qui active le mieux sa mémoire et il me raconte ce qui l’a le plus marqué dans les prédictions de son destin d’écrivain. Il ne renie rien. Tout est vrai et il semble apaisé de l’évoquer comme une histoire ancienne, comme perdue de vue.... Aujourd’hui son élocution est plus lente, ses mots flottent dans la pièce comme des réminiscences douces et diaphanes, presque fugitives. Ses mots se cherchent les uns les autres et se retrouvent dans les évocations de souvenirs précis ramenés à la surface. « Je perds les noms ... Je ne sais plus écrire ...» me dit-il. Douceur de ces instants où le constat n’est pas amer où l’acceptation de l’âge vient couronner l’œuvre qui appartient désormais aux lectrices et aux lecteurs du présent et du futur. Lire Charles Juliet c’est lire la vie même dans tous ses retranchements et toutes ses questions existentielles. Une vie ordinaire devenue extraordinaire par l’écriture et par la chance d’avoir été tiré d’affaire par une adoption et le développement d’une vie intérieure intense et exigeante. Un enfant sauvé du désastre d’un abandon parental conjoncturel et du désarroi social par une scolarité suffisante qui l’a propulsé dans un destin d’écrivain abouti. Un penseur inspiré par ses lectures mystiques et ses rencontres littéraires déterminantes, mais non aliénantes. » Aller chercher des injonctions et des repères » dans la Littérature de son époque lui a permis de dépasser ses inhibitions, ses peurs et d’affermir ses désirs de vie. Il a trouvé la joie dans les rencontres et la sérénité dans la confiance des personnes qui l’ont aimé et préservé du manque matériel. Il vit toujours dans la simplicité et loin des sirènes médiatiques. Il a aimé partager ses livres dans les nombreuses lectures et les entretiens qui lui ont été proposés. Il n’a plus rien à prouver et il s’éloigne de nous sans affolement. Il a labouré son champ jusqu’aux lisières de ses forces. La Fracture d’aujourd’hui n’en est plus une. La quatrième de couverture le dit admirablement en quelques lignes qui font penser au fameux poème sphérique que Charles a voulu autrefois créer. Ce sont bien ses paroles, mais elles sont reprises par l’éditeur pour faire comprendre peut-être le contenu de ce bon livre de poche. Je lis ces lignes comme un viatique, un subtil avertissement.
« Ne soyez pas attristés par ce que je viens de vous apprendre. Cet après-midi, j’ai eu le courage de m’enfuir, de créer une fracture. Et je connais en cet instant, un tel bonheur que je sens que ma vieille souffrance s’est assoupie. Une fois ce déclic survenu, on parvient à s’aimer, à se faire confiance, à adhérer pleinement à la vie »
L’éditeur rajoute :
Voici cinq textes de Charles Juliet, rassemblés pour la première fois, qui tous évoquent, la lente maturation qui a conduit à un choix d’existence et à l’écriture d’une œuvre.
Puisse cette œuvre atteindre les personnes qui en ont le plus besoin pour y puiser leurs propres forces de résilience et d’endurance à capter la vie , ses joies, ses renoncements.
Charles Juliet nous laisse de quoi nourrir nos propres aventures et notre vie intérieure. Il nous laisse les clés de sa fameuse « maison basse » près de laquelle chantonne en permanence un bruit de source et où nous pouvons toutes et tous prendre répit et courage. Dans sa quatre-vingt-dixième année, Charles a mérité de se reposer des livres et des mots. Sa présence le précède et sa voix est inoubliable. Charles est un Ami pour la vie.